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Résister par la littérature à Buchenwald

Robert Antelme était un Résistant français, mari de l'écrivain Marguerite Duras et membre du du MNPGD (Mouvement National des Prisonniers de Guerre et Déportés) dirigé par François Mitterrand.

Il est arrêté en juin 1944 et déporté à Buchenwald, un camp de concentration allemand.

Il raconte son expérience dans L'espèce humaine (publié en 1957). C'est un des plus importants témoignages sur la Déportation.

Robert Antelme. Source: www.buchenwald.de

Robert raconte un moment émouvant de la vie des prisonniers dans le camp. Trois ou quatre dimanches après-midi, un de ses camarades réussit à organiser "des séances récréatives". Gaston dit "Dimanche, il faudra faire quelque chose, on ne peut pas rester comme ça. Il faut sortir de la faim. Il faut parler aux types. Il y en a qui dégringolent, qui s'abandonnent, ils se laissent crever. Il y en a même qui ont oublié pour quoi ils sont là. Il faut parler"

 

L'idée, c'est de résister face à l'horreur, à la souffrance, à la faim. Comment rester un homme dans un tel enfer? L'horizon des prisonniers va s'ouvrir grâce aux chants, comme "la Toulousaine" ou "le Temps des cerises", et à la poésie.

Tour à tour, ils vont chanter un air qui leur rappelle des temps heureux. La poésie est aussi salvatrice:

"Gaston avait demandé à des copains d'essayer de se souvenir des poésies qu'ils connaissaient et d'essayer de les transcrire. Chacun d'eux, le soir, allongé sur sa paillasse, essayait de se souvenir (...) Ainsi, des poèmes entiers avaient pu être reconstitués par l'addition des souvenirs qui était aussi une addition de forces. Lancelot (...) avait transcrit les poèmes sur des petits bouts de carton qu'il avait trouvé au magasin de l'usine."

 

Un co-détenu, Francis redevient un homme digne grâce au poème qu'il déclame. Robert Antelme écrit:

"Il mettait toute son application à bien détacher les mots et à garder le même rythme dans sa diction. Jusqu'au bout il se tint raide, angoissé comme s'il avait eu à dire l'une des choses les plus secrètes qu'il lui fût jamais arrivé d'exprimer; comme s'il avait eu peur que, brutalement, le poème ne se brise dans sa bouche."

 

Robert Antelme analyse ce moment récréatif comme un moment important de la vie de prisonnier. Par ce moment ensemble et grâce à la poésie, la chanson et la mémoire, les prisonniers résistent à la barbarie et trouvent une force supplémentaire de continuer à lutter. Ce temps de communion lui permet d'écrire:

"Ils ont voulu faire de nous des bêtes en nous faisant vivre dans des conditions que personne, je dis personne, ne pourra imaginer. Mais ils ne réussiront pas. (...) Mais pour tenir, il faut que chacun de nous sorte de lui-même, il faut qu'il se sente responsable de tous. Ils ont pu nous déposséder de tout mais pas de ce que nous sommes. Nous existons encore."

 

Source: L'Espèce humaine, Robert Antelme, Gallimard, 1957

 

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