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Privation

La question, des amis parfois me la posent:

" Comment vis-tu donc, et comment l'âme ardente 
Veux-tu donner force aux cœurs qu'a fui l'espoir ?
Le pain et le besoin sont ton lot pourtant."

 

Quand j'erre dans les rues d'une métropole,
Toutes les misères, tous les dénuements,
Lamentation et révolte l'une à l'autre,
Mes yeux les rassemblent, mon âme les loge.

 

Je les mêle ainsi à ma souffrance intime,
Préparant avec les poisons de la haine
Un âcre sérum – cet autre sang qui coule
Par tous les vaisseaux de ma chair, de mon âme.

 

Cet élixir vous semblerait-il étrange ?
Il me rend du moins la conscience du tigre,
Lorsque dents et poings serrés, tout de violence,
Je passe par les rues d'une métropole.
Et qu'on dise de moi: il est fou d'ivresse,
Flux et reflux d'une vision
Ne cessent d'investir mes propres pensées,
Et je me hâte, assuré de la victoire.

 

Missak Manouchian

 

 

                                                               

Illustration du poème "Privation" par Sylvain Forté, 3°3

Dans ce poème, Missak Manouchian est interrogé sur ses motivations de Résistant. Comme tous, il pense à lui, et pourtant il trouve aussi la force de combattre à la place de ceux qui n'ont plus de courage.

Il dit que c'est ce qu'il voit (la collaboration, la soumission...) mêlé à sa souffrance intime qui lui donne la force de combattre et la certitude de vaincre. C'est un poème où il donne la "recette" de son engagement, avec les ingrédients qui le composent.

 

Isaq Casale, 3°3

 

 

 

 

 

                                                                                   

Missak Manouchian était un Poète et Résistant arménien. Réfugié en France après le génocide arménien, Missak Manouchian est ouvrier à Paris dans les années 1920 et compose de nombreux poèmes publiés à titre posthume (la Chanson de ma vie, 1960).

 

Devenu militant communiste (1934), il forme un réseau de résistance très actif – le groupe Manouchian – où opèrent notamment Polonais, Hongrois, Arméniens et Italiens, la plupart de confession juive. De juillet à octobre 1943, le groupe Manouchian met en œuvre près de 70 attentats. Le 28 septembre, le groupe abat en pleine rue Julieus Ritter, le délégué pour la France de Fritz Sauckel, nommé par Hitler « plénipotentiaire au recrutement et à l'emploi de la main-d'œuvre ». Michel Manouchian est arrêté le 16 novembre 1943.

 

Le 15 février 1944 s'ouvre le procès des 23 membres du groupe ; c'est le troisième grand procès de l'Occupation mené par les Allemands à grand renfort de propagande.

 

Imprimée en 15 000 exemplaires, une affiche de propagande nazie représentant les visages de dix des accusés est placardée pour dénoncer leur action ; c'est « l'Affiche rouge », qui devint, pour la Résistance, l'emblème du martyre. Le 23 février 1944, Michel Manouchian est fusillé avec 22 de ses compagnons.

 

 Source: Encyclopédie Larousse

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