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Churchill d'Angleterre par Albert Cohen

Albert Cohen n'est pas seulement le grand écrivain qui a écrit Solal et Belle du Seigneur. Il était aussi diplomate et conseiller au Département politique de l'Agence juive pour la Palestine. A ce titre, il rejoint Londres dès juin 1940. Il est chargé par l'Agence juive d'une mission de liaison auprès des gouvernements en exil, dont celui de la France libre. Il rencontre ainsi le général de Gaulle dès le 9 août 1940. C'est pendant sa présence à Londres, sous les bombes allemandes qui pilonnent l'Angleterre qu'Albert Cohen écrit les pages superbes de Churchill d'Angleterre. Ce texte est publié pour la première fois en Angleterre dans Message: Belgian Review en février 1943 sous le pseudonyme de Jean Mahan.

Outre son admiration pour Winston Churchill, Albert Cohen fait passer de vrais messages politiques dans ce texte. En ce sens, il diffuse de la propagande résistante. Il veut faire passer le message que le courage, la démocratie et le patriotisme seuls sauveront l'Europe.

Dans le chapitre V, il critique ainsi ouvertement le maréchal Pétain "pour être vénérable, suffit-il d'être vieux? Pour être salué comme un grand patriote, suffit-il d'avoir acheté un petit royaume fasciste au prix de la France? Et suffit-il qu'une mauvaise odeur soit recouverte d'un képi à quatre ou cinq rangs de dorures pour qu'elle sente bon?".

 

Il décrit admirablement la résistance de la population anglaise dès le chapitre VII: "Les Anglais étaient des condamnés à mort affables en ce juin (...). Toute la nervosité qu'ils se permettaient était de fumer davantage. Ils attendaient gentiment. Quoi? de mourir. Aucun ne songeait, même en rêve, à capituler. En même temps que de mourir, ils attendaient bizarrement de vaincre." Il transcrit ce qui fonde l'âme de la Résistance: la conviction,"au fond, ils ne savaient pas comment ils s'en tireraient. Ils ne se posaient pas de questions inutiles. Ils avaient foi".

 

C'est avec beaucoup d'humour qu'il parle de ce peuple si courageux au chapitre IX: "pour ces condamnés rougissants et polis, tout était clair. Plus personne avec eux. Mais aussi plus personne pour les abandonner. A l'Angleterre il ne restait plus que l'Angleterre. Tous ces Churchill, le grand et les millions d'autres, savaient que c'était beaucoup et que l'Angleterre n'abandonnerait pas l'Angleterre. (...) On était désormais entre Anglais, tout seuls, tout frères et tout laconiques. Il n'y avait plus rien à faire qu'à être anglais et à serrer les dents." Quelles belles lignes sur le patriotisme!

 

Il écrit que les Anglais sont un peuple de résistants qui croit plus en sa nation qu'aucun autre peuple: "si grand qu'il soit, un peuple en péril a besoin de voir son âme et d'y croire. C'est pour cela seulement qu'il acceptera de mourir pour que son âme vive."

Selon lui, Churchill a mérité une grande nation comme l'Angleterre et l'Angleterre a mérité un dirigeant comme Churchill. Son texte lyrique est à la hauteur de l'admiration qu'il a pour leur résistance commune.

 

Albert Cohen loue également le grand discours du 13 mai 1940 de Winston Churchill devant la chambre des Communes, resté célèbre sous le nom de "Du sang, de la peine, des larmes et de la sueur." Pour lui ce magnifique discours est fondateur de la résistance du peuple britannique: "Et parce que Churchill lui parle, l'Angleterre solitaire ne reconnaît pas, avec une folle absurdité, qu'elle est perdue et que l'Allemagne est plus forte qu'elle." Dans les chapitres XVI et XVI  dont chaque phrase commence par l'anaphore "Parce que Churchill lui parle...", il explique les raisons de l'engagement des Britanniques à tenir pendant la bataille d'Angleterre.

 

Par ce beau texte lyrique, l'écrivain Albert Cohen vante la résistance du peuple anglais, sous les bombes, en plein pendant la bataille d'Angleterre.

 

 

Voici les plus célèbres phrases du discours du 13 mai 1940 de Winston Churchill (traduction française):

 

"A la Chambre des communes, je dirai comme je l'ai dit à ceux qui ont rejoint le gouvernement : " Je n'ai rien d'autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur ".

Nous avons devant nous une épreuve des plus douloureuses. Nous avons devant nous de nombreux et longs mois de combat et de souffrance.

Vous demandez, quelle est notre politique ? Je peux vous dire : c'est d'engager le combat sur terre, sur mer et dans les airs, avec toute la puissance, la force que Dieu peut nous donner ; engager le combat contre une monstrueuse tyrannie, sans égale dans les sombres et désolantes annales du crime. Voilà notre politique.

Vous demandez, quel est notre but ? Je peux répondre en un mot : la victoire, la victoire à tout prix, la victoire en dépit de la terreur, la victoire aussi long et dur que soit le chemin qui nous y mènera ; car sans victoire, il n'y a pas de survie.
"

 

Ce texte d'une grande qualité littéraire incarne l'esprit de résistance des Britanniques et est resté comme l'un des plus grands discours du XX° siècle.
 

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